Que faire d’un mauvais vin ?

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Que faire d’un mauvais vin

Par Yann

Blogueur indépendant pour Weekly Food.

Il est difficile pour de nombreux Suisses d’imaginer une occasion, une fête entre amis ou en famille, sans ouvrir une bouteille de vin. Vous avez peut être déjà vécu cette situation : vous aviez gardé en réserve une supposée “bonne bouteille” pour célébrer un événement important, mais lorsque vous avez voulu la déguster, (mauvaise) surprise, le vin a un drôle de goût ! Arôme de fruits blets, goût de bouchon ou de vinaigre, une chose est sûre, il n’est pas bon. Si cette hypothèse fâcheuse vous concerne, vous pourriez être tenté de jeter ce mauvais vin. Il est cependant dommage de devoir gâcher une bouteille entière ; nous vous présentons dans cet article des moyens de rattraper ce précieux liquide !

Pourquoi un vin est-il mauvais ?

Il existe plusieurs situations à distinguer. Le vin peut parfois changer de goût, ou tout simplement, il arrive qu’un vin ne soit pas à la hauteur de nos attentes, en raison d’un problème lors de la fabrication, d’un souci de mélange, ou de qualité du raisin ou du terrain sur lequel a poussé la vigne. L’entrée d’oxygène dans la cuve au moment de la vinification peut également donner un mauvais goût au vin ; ceci s’explique par un matériel défectueux ou trop ancien. Enfin, la qualité du bouchon est souvent en cause : en effet, il arrive que le liège se détériore, moisisse ou pourrisse, ce qui donnera mauvais goût au vin. Malgré les traitements appliqués au matériau du bouchon, cette situation se produit assez fréquemment : l’on parle alors de vin bouchonné.

Attention à ne pas confondre oxydation indésirable et madérisation volontaire : l’on dit qu’un vin est madérisé pour évoquer une bouteille dont le bouchon s’est détérioré et a laissé rentrer de l’air durant la période de stockage. Dans ce cas, cela renvoie à une mutation du vin qui n’a pas été maitrisée, et qui est venue altérer l’équilibre des arômes : la robe change de couleur (elle devient ambrée pour les blancs, brune pour les rouges), et le goût rappelle des fruits blets ou encore du vinaigre, ce qui n’a rien d’agréable en bouche.

Cela n’a rien à voir avec les vins de Madère ou les rancios, qui ont fait l’objet d’une oxydation maitrisée grâce à un vieillissement et à une cuisson souvent longue et lente, qui sont des vins sucrés rappelant les fruits murs ou fruits confits, la vanille, les noix torréfiées, le cacao… D’autres cas de “bons vins oxydés” existent : par exemple, le Xérès, le vin jaune ou encore le porto.

Il arrive aussi que le vin “réduise” : dans cette hypothèse, le vin n’a pas reçu suffisamment d’oxygène durant la vinification. De ce phénomène va naitre un goût caoutchouteux, désagréable en bouche.

Quelles solutions pour “sauver” un mauvais vin ?

Votre vin est mauvais ? Avant d’en ouvrir une nouvelle bouteille, lisez les astuces ci-dessous. Elles vous permettront parfois de sauver votre vin et de le rendre propre à la dégustation.

Si le vin a réduit, il est possible de le carafer : versez la bouteille dans une carafer en verre pour le laisser respirer pendant un ou plusieurs heures. Cela permet généralement de rattraper le vin. Si toutefois vous n’avez pas le temps d’attendre, vous pouvez choisir d’accélérer le processus d’oxydation en plaçant un objet en argent dans votre carafe. La réaction chimique va permettre de rendre buvable un vin réduit de manière très rapide.

Une autre technique de sauvetage est de verser un peu de porto dans le vin ; celui-ci va adoucir le goût rance du vin passé pour le rendre un peu plus sucré et propre à la dégustation. Cette recette de grand-mère confère une seconde jeunesse à votre mauvais vin, et lui ajoute la pointe d’alcool qui lui manquait. En bouche, le goût se rapprochera d’un vin cuit.

Cela revient finalement à utiliser le vin en cocktail ! A cet égard, il existe d’autres mélanges qui peuvent vous permettre de consommer un vin au goût passé ou passable. Pour un cocktail rafraichissant, nous vous conseillons de couper votre vin avec de l’eau gazéifiée, du jus de citron et du sucre, ou bien de la limonade. Ce cocktail vous permet de mettre de l’eau dans votre vin pour le rendre frais et léger, mais surtout agréable à déguster !

S’agissant d’un vin bouchonné, si son arôme est fort, vous ne pourrez pas faire en sorte de le rendre buvable en l’état : se forcer à le boire malgré tout ne ferait que gâcher le repas.

Est-il possible de recycler un mauvais vin en cuisine ?

Rien à faire, votre vin est mauvais, vous ne pourrez pas le boire ! Ne le versez toutefois pas encore dans le siphon de votre évier : il peut être utilisé en cuisine.

Le mauvais vin peut souvent être utilisé pour réaliser une sauce : la cuisine française regorge de recettes de sauces, notamment pour accompagner les viandes, à base de vin. L’inconvénient d’utiliser le mauvais vin de cette manière est qu’il va généralement conserver son goût désagréable. A moins de ne pas être tatillon sur le goût de sa sauce, cette solution n’est donc pas adaptée à un mauvais vin.

Nous vous conseillons donc plutôt de le cuisiner chaud, pour une viande lentement mijotée : bœuf bourguignon et coq-au-vin sont des classiques de la gastronomie française qui se marieront parfaitement avec un vin un brin oxydé. Pensez également à la fondue bourguignonne pour rattraper un vin oxydé.

Toutefois, ici aussi, un vin au goût trop fortement passé, vinaigré, oxydé… risquera de conserver son mauvais goût à la cuisson.

Par conséquent, la seule solution si votre vin n’est plus suffisamment bon pour être consommé en cuisine est d’en faire du vinaigre.

En dernier recours, utiliser son mauvais vin pour faire du vinaigre

L’on pourrait croire, à tort, que le vin laissé à l’abandon se transformerait de lui-même en vinaigre avec le temps. Il n’en est rien ! Il s’agit en réalité d’un processus chimique qui peut durer plusieurs mois et qui ne nécessite que peu de matériel pour être réalisé chez soi.

Ainsi, si vous voulez créer vous-même votre vinaigre, vous aurez besoin d’un récipient parfaitement opaque, qui ne laissera pas traverser la lumière. Il peut être en verre, en céramique, en bois, ou encore en métal. Il faut être attentif au matériau choisi : le contenant peut donner un léger goût au vinaigre, par conséquent, pour obtenir un goût plus authentique, il est recommandé de choisir un vinaigrier en bois. Tous les vinaigriers sont disponibles avec un robinet, pour pouvoir laisser s’écouler le vinaigre sans avoir à ouvrir le contenant et compromettre l’étanchéité. Selon la taille, le matériau et la qualité de fabrication du vinaigrier, celui-ci peut être acheté entre 15 et 100 euros.

Une fois armé de votre vinaigrier, vos ingrédients seront les suivants : votre mauvais vin, et de l’air ! Cela permettra de donner naissance au champignon à l’origine de la transformation du vin en vinaigre, le mycoderma asceti. L’on parle alors d’une “mère” : elle peut être achetée en magasin, ou se créer naturellement. Le processus peut parfois prendre des mois.

Pour s’assurer de la bonne croissance de la mère, celle-ci aura besoin de trois éléments indispensables :

  • L’alcool, qui sera fourni par le mauvais vin que vous verserez dans le vinaigrier,
  • L’oxygène, pour cela, il est nécessaire d’aérer régulièrement le vinaigrier (à cet égard, le bois est recommandé, car le contenant est alors opaque tout en laissant le mélange). Soyez prudent lors de cette étape : des mouches et moucherons vont être attirés par votre mixture. Il vous faudra donc penser à recouvrir le bocal d’un tissu, suffisamment fin pour laisser entrer l’air, tout en étant tissé de manière suffisamment serrée pour éviter l’intrusion d’insectes.
  • Une température comprise entre 20 et 30 degrés Celsius. Si le lieu de stockage devient trop chaud ou trop froid, il vous faudra donc abriter votre mère pour la protéger.

Au départ, les premiers centilitres de vinaigre obtenus vont être acides, amers, agressifs ; ceci est normal. Il faut laisser au mélange le temps de s’oxygéner et de s’oxyder, entre 6 et 8 mois au total. Le vinaigre, à ce stade, va devenir beaucoup plus doux : il sera agréable en bouche et délicieux pour toutes vos préparations culinaires. La patience est l’ultime ingrédient pour réaliser son vinaigre ! Si vous n’aimez pas gaspiller vos fonds de bouteille ou votre mauvais vin et que vous voulez essayer de créer vos propres produits, réaliser son vinaigre maison est tout indiqué.

Pour aller plus loin et obtenir un vinaigre de haute qualité, vous pourrez même, à terme, transférer une partie de votre vinaigre filtré dans un fût en bois pour le stocker dans un endroit frais et dont la température est constante. Vous obtiendrez un vinaigre vieilli au goût authentique et riche, impossible à retrouver dans le commerce ! 

Vous savez désormais quoi faire si jamais vous avez la malchance d’ouvrir une mauvaise bouteille de vin ! Si vous êtes amateur de ce précieux breuvage, il y fort à parier que vous rencontrerez plus ou moins fréquemment cette situation. Nous espérons que nos conseils et astuces vous seront alors utiles pour tirer le meilleur parti d’un vin aux arômes malheureux !

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Published by Ana Segota

Co-founder and designer at Anariel Design.